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mars 2023
Mars. Les journées rallongent, le printemps est à nos portes, le temps des sucres battra bientôt son plein. Même si, au Québec, on vit au rythme des saisons, ça fait toujours du bien de sentir le soleil sur sa peau et de voir les bourgeons apparaître. En attendant la sève et tous les délices qui en découlent, voici, côté pub, côté communications et côté humain, ce qui vaut la peine d’être mentionné (à notre humble avis).
Ces temps-ci, l’encre coule à flots au sujet de ChatGPT, un prototype d’agent conversationnel animé par l’intelligence artificielle et développé par OpenAI. Les utilisateurs lui trouvent des usages inattendus et s’en servent un peu à toutes les sauces, ouvrant ainsi la porte aux multiples fonctions que l’on peut conférer au logiciel, qui peut s’improviser rédacteur d’une variété de textes, et ce, dans tous les domaines imaginables.
La découverte de cette gamme de talents a donné lieu à d’importants questionnements : ChatGPT peut-il menacer l’avenir de l’industrie de la publicité de par sa capacité rédactionnelle?
Certes, l’outil est capable de rédiger des textes assez impressionnants, surtout lorsqu’on lui donne des instructions précises. Il peut composer un texte doté d’une structure adéquate et d’information pertinente et digestible. Ce n’est pas peu dire pour un logiciel – gardons en tête que ce sont des capacités qui prennent du temps à acquérir, et qui ne sont pas données à tout le monde!
Cependant, les textes manquent de mordant. Ils communiquent l’essentiel, mais sans « plus ». Autrement dit, ils ne se comparent pas aux textes que rédigent des rédacteurs et rédactrices d’expérience.
Le logiciel même semble s’accorder à cette opinion : « En tant que modèle linguistique de l’IA, je suis capable de générer des réponses et d’analyser des données, mais je n’ai pas la créativité, l’empathie [ou] l’esprit critique d’un être humain. » source
Cela dit, ChatGPT pourrait certainement être utilisé en tandem avec les ressources existantes des boîtes de pub. Bien que le logiciel ne soit pas en mesure de créer un concept entier qui nous jette par terre (du moins, pas encore!), il réalise avec aisance les tâches qu’on lui attribue. Il est en mesure de rédiger un texte dont la base est saine et forte sur laquelle il sera facile d’ériger un texte, sauvant ainsi temps et labeur aux rédacteurs et rédactrices.
N’oublions pas que le domaine de la traduction fait d’ores et déjà face aux mêmes questionnements – avec des logiciels comme Google Translate et DeepL, est-ce que les traducteurs et traductrices pourront gagner leur pain?
Pourtant, depuis les tout débuts de la traduction automatique (qui date de la guerre froide, mine de rien), la traduction demeure une sphère bien en santé et dont la demande ne baisse point. On pourrait même dire qu’on manque de ressources!
Tout compte fait, ChatGPT ne réussira pas de sitôt à nous enlever des emplois, et il demeure un outil avec lequel il sera très intéressant de collaborer. Voyons voir où le futur nous mènera!
- Audrey Deshaies, Traductrice-réviseure principale
Le projet de Loi C-11 suggérant une réforme de la Loi sur la radiodiffusion fait partie des initiatives plus qu’attendues par les institutions canadiennes, et plus précisément québécoises, dans le domaine culturel. Le paysage des médias et des domaines de la communication a bien changé depuis trente ans. Or, au Canada, la loi la plus récente réglementant la radiodiffusion date de 1991!
Les institutions québécoises cherchent à faire proliférer le contenu québécois et l’appartenance à la culture et à la langue française à travers les productions. Ainsi, plusieurs décisions et mesures du CRTC ne font pas le bonheur des institutions québécoises, qui ne se sentent pas représentées par l’organisation canadienne. Les besoins du Québec sont plus précis et moins mis de l’avant par l’organisation.
Au cours des dernières années, plusieurs points chauds ont fait surface, notamment avec l’arrivée de services de streaming. Cette plateforme étant considérée comme un nouveau média, son contenu n’est pas nécessairement soumis aux réglementations du CRTC, et son droit de regard n’est pas aussi puissant que sur les médias traditionnels. Cependant, l’accessibilité sur le territoire canadien des plateformes et des systèmes de distribution sur demande, comme Spotify, Netflix, Disney+, etc., cause une injustice dans la légifération du contenu offert. L’idée derrière une loi comme la Loi C-11 est d’inclure les géants du Web dans les réglementations et de participer à la représentation culturelle. C’est d’ailleurs dans les volontés du Québec depuis plusieurs années de réglementer les plateformes de streaming et de contenu sur demande afin de s’assurer de ne pas perdre la part de marché du contenu original local.
L’objectif de la réglementation est de permettre au contenu local de prendre de l’ampleur et de conserver sa priorité dans la diffusion sur son territoire. Malgré les tentatives du gouvernement canadien en matière de légifération, les ententes avec des joueurs comme Netflix ont été largement critiquées au Québec, puisqu’elles faisaient fi de la représentation québécoise ou francophone.
Les plateformes américaines dominent le marché, et un grand pourcentage de la jeunesse québécoise ne consomme plus de télévision traditionnelle. Il devient donc impératif pour le Québec d’augmenter sa présence et sa visibilité sur les plateformes offertes sur son territoire afin d’assurer la prospérité de ses industries. Cette situation a mené le gouvernement québécois à exiger un droit de regard sur le contenu afin de préserver la spécificité de la langue et de la culture au Québec. Peut-être assistons-nous aux balbutiements d’une institution québécoise pour la réglementation des contenus, ou à une étape cruciale dans le processus de légifération.
- Noëlie Michaux, Chargée de projets
Culturellement parlant, l’univers linguistique demeure un incontournable pour les différents peuples. À elle seule, la langue devient une distinction qui vient renforcer une notion d’identité. Les expressions, les accents, les discours et les variations lexicales sont propres à chaque communauté, lui permettant d’établir son identité sociale et culturelle. Sinon, comment expliquer qu’on différencie si facilement à l’oreille un Anglais d’un Américain, ou alors un Québécois d’un Français? Il ne faut donc pas négliger la plus-value que possède une langue à pouvoir transmettre un message d’autant plus pertinent à un groupe précis, si le choix des mots est cohérent et bien fait.
À la lumière de ce qui vient d’être mentionné, il est intéressant d’explorer la question du doublage dans l’univers cinématographique, et voire même l’univers publicitaire. Rien n’est plus authentique qu’un film dans sa version originale. Pourquoi? Parce que le tout est harmonieux. La langue, les mimiques, le labial, la gestuelle et les expressions sont en symbiose avec la mise en scène. Les réalisateurs font des choix qui leur permettent de s’ancrer dans une certaine culture et de proposer un rendu visuel et artistique authentique. Ne vous est-il jamais arrivé de regarder un film ou une série doublé dans une autre langue et d’en percevoir un décalage ou même d’avoir l’impression d’avoir perdu l’essence du contenu original? Par extension, il en va de même dans l’univers publicitaire. Ce n’est pas pour rien que nous renforçons toujours l’idée selon laquelle la langue est un pilier et que tout message publicitaire doit être véhiculé dans la langue du public cible. Au-delà d’une simple traduction, l’aspect culturel doit être pris en compte et c’est là qu’une adaptation rend le message d’autant plus pertinent.
Au Québec, c’est justement en misant sur la langue et les décalages culturels des doublages que le succès de la série Complètement lycée s’est déployé. Primée à l’international, il s’agit d’une parodie de séries pour ado américaines, dont le tournage se fait en anglais et où les comédiens se doublent ensuite eux-mêmes en français international pour imiter les mauvaises traductions. Le décalage linguistique et culturel est si absurde que c’en est drôle, et la critique adore. Postulat : la langue est un moteur de succès et fait rayonner nos artisans à l’étranger! Voilà un parfait exemple illustrant la force que la langue peut avoir. Si celle-ci peut être récompensée au cinéma, imaginez l’effet que vos publicités peuvent avoir si vous choisissez de prendre la voie de la localisation!
- Catherine Léger, Chargée de projets
Ce n’est pas un secret pour personne : le peuple québécois est fier. Oui, mais fier de quoi exactement? Une partie de la réponse se trouve dans les sept filtres qui sont à la base de ce pourquoi la shop existe : notre langue, notre culture, notre patrimoine, notre star-système, notre paysage médiatique, la réalité de notre marché et les règles publicitaires spécifiques au marché québécois (même si celles-ci nous font parfois damner). Et sous-jacente à ces sept filtres, se trouve la créativité.
La créativité, pour laquelle les artisanes et artisans du Québec sont souvent primé.e.s à l’étranger. On a qu’à penser, entre autres, aux deux prix Grammy remportés récemment par Maestro Yannick Nézet-Séguin. Arcade Fire (catégorie du meilleur album alternatif) et Xavier Dolan (catégorie du meilleur vidéoclip) étaient également nommés à cette édition des grands prix de la musique aux États-Unis.
Mais si on s’intéresse à ce que nos Québécois.es font à l’extérieur de nos frontières, cela ne signifie pas que tout ce qui se passe à l’international attire notre attention. Il n’y a pas si longtemps, on disait même que le Québec était replié sur lui-même, qu’il ne se sentait pas concerné par ce qui arrivait ailleurs, sauf si ça impliquait l’un des siens.
Cette tendance semble toutefois avoir été renversée depuis le début de la pandémie (eh oui, encore elle!). Quand on se rend compte que le taux de vaccination et les mesures sanitaires des autres pays ont une incidence sur la propagation d’un virus mortel, on est soudainement plus ouvert.e.s à ce qui se passe outre-mer, ou même dans le reste du Canada et chez nos voisins du Sud.
Le droit à l’avortement, la guerre en Ukraine, l’inflation, les changements climatiques, la menace nucléaire, les ballons chinois, pour n’en nommer que quelques-uns, sont tous des enjeux qui affectent ce qui se passe chez nous. Les Québécois.es sont non seulement à l’affût des nouvelles internationales, ils et elles sont aussi conscient.e.s de leur influence. On parle de l’internationalisation des problèmes.
Que l’on voie cette prise de conscience de façon positive ou négative, elle semble être là pour rester. Quant au milieu publicitaire, particulièrement ici, à la shop, il… s’adaptera.
- Joëlle Fournier, Directrice principale localisation
On le sait, au Québec, la langue, c’est essentiel. Mais avoir un message en français ne suffit pas : il faut comprendre la culture; le Québec a sa manière de voir les choses et de s’exprimer. C’est un défi au quotidien pour les marques de s’adresser aux Québécois.es de manière authentique. Le défi est peut-être encore plus grand lorsqu’une marque opère dans un secteur ayant un jargon spécifique. La question se pose : doit-on utiliser le langage propre à son industrie par souci d’authenticité, au risque de voir son message être moins bien compris par une plus grande partie de la population? Ou doit-on adapter sa tonalité de manière à rejoindre plus de gens, en courant toutefois le risque de s’aliéner sa cible première?
Notre plus récente campagne pour notre client CARFAX Canada est un bon exemple d’exécution où il a fallu aligner le langage automobile à celui des Québécois.es.
CARFAX Canada offre des rapports d’historique de véhicules qui permettent d’obtenir une grande variété de renseignements sur les voitures d’occasion, tels que les droits de rétention, les accidents et les rappels. La campagne avait pour but de faire connaître la marque et ses avantages aux Québécois.es au-delà du réseau des concessionnaires de voitures. Pour mieux établir sa voix et sa présence auprès du marché du Québec, CARFAX Canada a voulu créer un message ciblé pour la province.
La campagne se déclinait autour de deux visuels moteurs. Dans les deux cas, on voyait l’arrière d’une voiture où le nom du modèle était remplacé par les expressions « citron » et « paquet de trouble », laissant ainsi comprendre qu’il n’était jamais aussi évident d’identifier les problèmes lors du processus d’achat d’une voiture d'occasion. L’utilisation de deux expressions courantes permettait de faire le pont entre les connaisseurs en automobile et monsieur et madame Tout-le-Monde à la recherche d’un véhicule d’occasion, « citron » ou « paquet de trouble » pouvant être compris autant par les uns que les autres.
Il s’agit là d’une belle preuve de l’importance de bien penser son message. Il ne faut pas simplement le « peinturer » en français, mais bien de le repenser, afin que la langue devienne non plus un passage obligé pour que votre marque soit entendue au Québec, mais un outil permettant d’amplifier votre communication.
- Mathieu Rolland, Concepteur-rédacteur sénior