we speak
juin 2024
Alors que l’été s’installe enfin sur nos terrasses et que le chant des oiseaux se mêle à la chaude brise estivale, nous sommes ravis de vous retrouver pour une nouvelle édition de notre Dispatch. C’est la saison des festivals, des barbecues en famille et des escapades à la plage – un moment parfait pour célébrer la joie de vivre à la québécoise! Côté pub, côté communication et côté humain, voici ce qui vaut la peine d’être mentionné (à notre humble avis).
Versez-vous une boisson bien fraîche, installez-vous confortablement sur votre balcon et profitez de cette bonne lecture!
- Émilie Maranda – Directrice culture et communications
On ne vous le répétera jamais assez, la publicité au Québec nécessite une compréhension profonde de la culture locale. Les Québécois sont attachés à leur identité distincte et s’attendent à ce que le contenu produit auquel ils sont exposés reflète leurs réalités culturelle et sociale.
Alors, par où commencer? Si une chose nous pointe dans la bonne direction à prendre, c’est bien de voir comment les règles et les lois du Québec qui entourent la production publicitaire sont établies. Que ce soit les lois sur le statut de l’artiste ou sur la linguistique, en passant par l’organisme de la protection du consommateur (l’OPC) ou encore, la loi sur la publicité qui s’adresse aux enfants. Elles sont toutes indicatrices, à leur façon, des valeurs fondamentales des Québécois. Une source précieuse pour nous aider à nous orienter.
Cependant, ce labyrinthe légal peut vite prendre des allures de contraintes qui étouffent la créativité, les décisions marketing ou la production pure de campagne. C’est en fait un guide astucieux qui rendra chaque sélection de mots, chaque prise de décision et chaque réflexion un peu plus intelligente, un peu plus précise et beaucoup plus authentique auprès du grand public. C’est un processus en lequel nous devons avoir confiance, et qui est payant.
Produire avec des talents d’icitte et dans la langue d’icitte tout en protégeant un héritage pour les générations à venir, et respecter les valeurs et responsabilités sociales des Québécois, sont des éléments clés pour bâtir une campagne publicitaire efficace et respectueuse. C’est dans cet esprit qu’une marque pourra contribuer de manière positive à la culture populaire québécoise.
Maintenant que nous sommes bien équipés, produisons!
- Jennifer Lankry, productrice
Je vais toujours me souvenir du moment où j’ai constaté la variation de notre langue. C’était en 2008, lors de mon premier voyage en France. Je vous fais un p’tit résumé ici : je zieute un super beau foulard dans la vitrine d’une boutique à Paris, puis je rentre et je tente de trouver le prix sur le mannequin. La préposée me demande si elle peut m’aider, et je lui réponds : « J’aimerais avoir le prix du foulard s.v.p. ». Elle réplique : « Vous voulez dire une écharpe? ». Clin d’œil ici à la scène du beurre dans le film Elvis Gratton II : « C’est ce que je dis, un foulard! ». En gros, c’était la première fois que je me faisais reprendre sur ma façon de parler par un Français, et c’est encore plus difficile à digérer quand c’est aussi ta langue maternelle. Il y a une certaine insécurité qui s’installe : « Est-ce que je parle bien ma langue? Est-ce que les Français parlent mieux que nous, les Québécois? Sommes-nous inférieurs aux Français de France? ». Ça vient toucher notre identité québécoise et ça sème le doute au niveau de notre valeur. Quelques jours plus tard, je visite le château de Versailles, puis ma famille et moi demandons la visite autoguidée. On nous remet alors la version allemande. Je me suis dit : « Coudonc, on parle bien français, non? ». Je suis revenue de ce voyage en me sentant un peu plus complexée par mon français parlé, et c’est un sentiment qui perdure depuis bien longtemps chez les Québécois, encore aujourd’hui!
Au printemps dernier, une vidéo virale de Joël Legendre, animateur bien connu au Québec, chantant à l’émission Soirée canadienne à la fin des années 1970, a fait son apparition sur les réseaux sociaux. Cette vidéo a fait beaucoup jaser, surtout en mal. Plusieurs internautes se sont moqués de nous et ont ridiculisé notre langue québécoise, comme si elle était inférieure. Ici, on vient vraiment aborder l’aspect social de la langue et, encore une fois, ça vient toucher les cordes sensibles des Québécois. En fait, tout est dans la perception. Nos différences de vocabulaire entre le français québécois et le français de France relèvent souvent de clichés et de stéréotypes. Ce qu’il faut retenir, c’est que notre langue parlée au Québec n’est pas pire ni meilleure que le français de France, elle est tout simplement différente. Il n’y a pas de « bon français », notre langue reflète tout simplement notre histoire. On doit accepter nos différences et célébrer la richesse et la diversité de notre parlure québécoise. C’est notre p’tit côté unique, et c’est aussi notre fierté locale.
Pour ce qui est de la publicité, il faut faire preuve de plus de sensibilité culturelle et linguistique quand vient le temps d’élaborer des campagnes pour le Québec. À la Shop, le travail de localisation commence par nos 7 filtres et parmi ceux-ci, la langue demeure le premier filtre à être couramment utilisé pour nos campagnes. Le fait d’utiliser une expression queb, par exemple dans le slogan, vient résonner positivement auprès du public québécois et honore, par le fait même, notre langue variée!
P.‑S. Je continue toujours de dire « foulard » ;)
- Isabelle Pelletier, Gestionnaire de contenu en médias sociaux
Desjardins, une coopérative de caisses populaires considérée comme un fleuron québécois, a récemment affiché dans certaines de ses succursales une affiche montrant un drapeau canadien porté sur les épaules d’un homme vu de dos. Très rapidement, une controverse est née au Québec. Médias et politiciens ont commenté la nouvelle, poussant même l’institution financière à s’excuser publiquement, justifiant son erreur par le fait que l’affiche en question n’avait pas été approuvée par le Mouvement Desjardins. Il peut paraître étonnant, d’un point de vue extérieur, qu’une publication aussi inoffensive ait suscité une réaction aussi vive. Il s’agit encore une fois d’une belle démonstration de l’importance pour les marques de comprendre la réalité du marché québécois. Un manque de sensibilité à l’égard de la langue ou de l’histoire de la province peut grandement ébranler la relation entre une marque et la population.
Il faut comprendre que ce visuel n’a pas été affiché à n’importe quel moment. Il servait en fait à annoncer la fermeture des succursales pour le jour férié du 20 mai, soit une de ces dates représentant très bien la dualité entre le Québec et le reste du Canada. Si au pays on célèbre la Reine durant cette journée, pour « la belle province », on parle plutôt de la Journée nationale des patriotes. La différence peut sembler anodine, anecdotique même, mais elle représente une des nombreuses subtilités marquant l’écart entre le Québec et le Canada. Cette fête est une journée importante pour de nombreux Québécois, célébrant l’histoire et la culture de la province. Traditionnellement, cette journée est associée à la lutte pour les droits et libertés démocratiques, ainsi qu’à la promotion de l’identité québécoise. La reine, en revanche, n’est pas un symbole chargé de valeur pour le Québec. Pour plusieurs d’entre nous, elle est même un emblème d’oppression.
Il faut toutefois savoir qu’il ne s’agit pas d’une haine du Canada partagée par l’ensemble de la province, mais plutôt d’une sensibilité plus grande accordée à certains enjeux. Ici, en choisissant ce visuel, publié à cette occasion, Desjardins a commis une erreur qui, aux yeux des Québécois, a été perçue comme un affront.
Que l’erreur de Desjardins résulte d’un manque de communication interne ou d’un manque de réflexion à l’égard des sensibilités québécoises, elle demeure encore une fois un rappel que les efforts de communication d’une marque doivent être cohérents dans leur ensemble, que ce soit une petite affiche en succursale ou le message d’une campagne nationale.
- Mathieu Rolland, concepteur-rédacteur
« On est en live », « j’ai une date », « le highlight de ma soirée », « un podcast », ce ne sont que quelques exemples de plusieurs expressions empruntées à l’anglais qui se sont infiltrées dans notre langue. Que ce soit dans des publicités, des émissions de télé ou à la radio, nos médias les utilisent pour refléter les nuances linguistiques et pour se rapprocher de leur public. Ce sont des mots qui nous sont familiers, qu’on utilise couramment, mais qui sont très clairement empruntés à l’anglais. Il est donc important de se demander pourquoi on les emploie, alors qu’il existe des équivalents tout aussi adéquats en français. Certains linguistes s’en inquiètent. Ils jugent que le français est à privilégier et qu’il est important d’utiliser des termes équivalents afin de conserver notre langue au Québec. D’autres diront que les anglicismes font partie intégrante de notre identité culturelle québécoise, et qu’il est nécessaire de les employer dans nos médias pour créer des liens significatifs avec le public.
Il faut tout d’abord comprendre l’incidence potentiellement négative de l’utilisation excessive de l’anglais dans les médias francophones. On accuse parfois de paresse linguistique les émissions de télé ou les balados qui utilisent des emprunts à l’anglais. Souvent, toutes les personnes en studio ont la capacité de parler un français impeccable. Pourtant, on entend « je feel » (je ressens), un « roast » (un bien cuit), un « hot seat » (une entrevue corsée), etc. Bien que ces emprunts à l’anglais puissent démontrer un relâchement au niveau de la langue, il faut se demander quand ça peut être considéré comme correct d’emprunter des mots à l’anglais.
L’utilisation des anglicismes est justifiable lorsqu’il est essentiel de cibler un public. Il est important de comprendre les nuances culturelles, y compris celles liées à la langue, pour établir une connexion réelle avec la cible. Le public québécois, que ce soit les jeunes ou les personnes plus âgées, utilise couramment ces emprunts dans son langage : « by the way » (soit dit en passant), « job » (travail), « chum » (copain), « meeting » (réunion), etc. Bien que ces termes ne semblent être utilisés que dans un contexte de langue familière et populaire, on perçoit la volonté des médias de se rapprocher des auditeurs. Comprendre ces subtilités linguistiques et y être attentif permettent non seulement de renforcer l’authenticité des messages publicitaires, mais aussi de tisser des liens avec le public québécois. Souvent, l’emprunt à l’anglais permet de donner un éclat de nouveauté et de dynamisme aux messages. Il peut également rendre les messages publicitaires plus concis et percutants. Dans un article du LeDevoir (intitulé La force de l’anglicisme), Claude Vaillancourt explique qu’une personne "deep" vaut certes plus qu’une personne simplement profonde. Finir sa phrase par "fine!" plutôt que par "bien!" donne un petit côté "cool" et branché que ne rend pas le piètre mot en français. » Il est tout à fait envisageable d’utiliser des anglicismes, pourvu que leur utilisation soit justifiée et qu’elle serve un objectif précis. Il faut aussi toujours rester conscient qu’il existe des équivalents en français.
- Justine Cardinal-Hamelin, conseillère
C’est l’heure du quiz! Quelle est la saveur de Ruffles préférée des Américains? Cheddar et crème sure! Vous vous dites sûrement : « Voyons donc! On l’a même pas cette saveur-là icitte. Pis anyways, tout le monde le sait que les meilleures Ruffles, c’est les assaisonnées. » On s’est tous dit la même chose chez TFS quand l’équipe stratégique de Motive (notre agence partenaire pour le consortium PepsiCo qui possède, entre autres, la marque Ruffles), nous a appris ce fait inusité.
Cela dit, les Canadiens friands de croustilles ondulées pourront enfin participer à ce débat houleux, puisque Ruffles a une nouvelle qui risque de leur plaire : elle s’apprête à lancer au Canada une saveur alléchante, celle qui fait battre tous les cœurs de nos voisins du Sud. Vous l’aurez deviné : Cheddar et crème sure is in the house!
L’agence Motive a donc approché TFS pour lui confier le mandat d’adapter pour le marché du Québec la plateforme créative de ce lancement, visant à engager les consommateurs et à susciter un débat passionné autour de la meilleure saveur Ruffles de tous les temps. Afin de célébrer cette grande première, Motive a conçu la campagne The Greatest Ruffles of All Time (aka G.R.O.A.T.), un jeu de mots sur l’acronyme G.O.A.T. très populaire auprès des jeunes.
Pourquoi une adaptation plutôt qu’une traduction? Parce qu’il fallait d’abord éviter à tout prix de reproduire le cauchemardesque Soyez la chèvre de la marque de vêtements sportifs Columbia sur la devanture du La Baie de Montréal. Puis, il fallait trouver un équivalent français « acronymable » pour rendre le sens de « meilleure de tous les temps » qui allait parler à la génération Z (les Québécois·es de 18 à 24 ans), le public cible de cette campagne.
Le hic? En français, les rares sigles qui sont utilisés par le grand public représentent souvent des noms d’institutions (par ex. : CÉGEP pour Collège d’éducation générale et professionnelle, SAQ pour Société des alcools du Québec ou CLSC pour Centre local de services communautaires) ou des expressions anglaises (par ex. : LOL, BYOB, ASAP, YOLO). J’ai décidé d’affronter ce défi croustillant en inventant un acronyme à saveur de G.R.O.A.T. et d’activer mon cerveau en mode rétro-ingénierie : prendre un mot français existant ayant le sens de « la meilleure », le transformer en sigle en ajoutant des points entre chacune de ses lettres, puis lui trouver une phrase à représenter.
Résultat? C’est la Saveur qui fait Tripper les Accros de Ruffles, dite la S.T.A.R., qui a conquis le cœur des clients! C’était une option qui a l’avantage d’inclure le nom de la marque, d’utiliser un langage plus familier pour parler à un jeune public, tout en comprenant un québécisme très usité, le verbe « tripper ». Bref, un super exemple de localisation, dont TFS est très fière!
Alors, on vous pose la question : quelle est la S.T.A.R.? Divulgâcheur : chacune d’entre elles!
- Béatrice Rea, conceptrice-rédactrice